Éléments toxiques prioritaires (vanadium, antimoine et arsenic) – Protection des sources d’eau et traitement de l’eau potable
X. Chris Le, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en technologie bioanalytique et en santé environnementale; directeur de la Division de toxicologie analytique et environnementale, Université de l’Alberta, 2008 - 2012
Enjeu
L’arsenic et le vanadium sont deux éléments qui affectent énormément la santé humaine et écologique. Plus de 100 millions de personnes dans le monde sont affectées par l’arsenic présent dans leur eau potable et des données antérieures donnent à penser que plusieurs régions rurales au Canada ont des taux d’arsenic dans l’eau des puits qui dépassent les limites canadiennes actuelles. Bon nombre de ménages installent dans leur maison des systèmes de traitement de l’eau, mais avant la tenue de ce projet, l’efficacité de ces appareils pour éliminer l’arsenic n’avait pas été déterminée. De plus, on ne connaît pas bien les impacts des concentrations élevées d’arsenic et de vanadium sur l’écosystème. Ces deux éléments peuvent être libérés dans l’environnement lors de l’exploitation des mines et des sables bitumineux, mais leur absorption et leur toxicité chez les organismes aquatiques ne sont pas bien comprises.
Ce projet, dirigé par X. Chris Le, avait les objectifs suivants : 1) déterminer les concentrations et les espèces chimiques d’arsenic dans l’eau des puits, ainsi que l’efficacité de l’élimination de l’arsenic par les appareils domestiques de traitement de l’eau; 2) déterminer quels sont les impacts de la mine Quinsam, en Colombie-Britannique, sur le milieu aquatique local; 3) identifier les espèces chimiques (formes) de vanadium présentes dans l’eau affectée par les activités d’exploitation des sables bitumineux et évaluer la toxicité de ces formes de vanadium pour les organismes aquatiques.
Projet
Il importe de réduire l’exposition à l’arsenic dans l’eau potable là où les teneurs dans l’eau des puits dépassent les limites actuelles. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont tout d’abord déterminé les concentrations d’arsenic dans l’eau de puits de maisons individuelles, en analysant par paires des échantillons d’eau non traitée et traitée de plus de 600 puits et en obtenant l’information relative aux appareils domestiques de traitement de l’eau dans ces maisons. Ils ont comparé les concentrations des espèces d’arsenic dans l’eau avant et après le traitement pour obtenir de l’information sur l’efficacité des diverses méthodes de traitement utilisées dans les foyers. L’équipe a ensuite conseillé les ménages sur l’élimination de l’arsenic dans l’eau de puits.
Selon les analyses des chercheurs, bon nombre de méthodes de traitement ne sont pas parvenues à retirer les espèces d’arsenic de l’eau de puits pour satisfaire aux normes de Santé Canada et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Par exemple, bien que de nombreux ménages utilisent des filtres à matières ferreuses, l’efficacité de retrait de l’arsenic de leur eau de puits n’était pas constante. Des 51 foyers qui utilisaient des filtres à matières ferreuses, 13 foyers avaient dans leur eau des concentrations d’arsenic supérieures au taux limite de 10 µg/L préconisé par Santé Canada et l’OMS. Le système par osmose inverse, lorsqu’il est bien entretenu, semble pouvoir retirer l’arsenic de la majorité de l’eau de puits testée, satisfaisant ainsi les normes établies par Santé Canada et l’OMS.
Le deuxième grand volet de cette recherche visait à comprendre le devenir du vanadium dans l’environnement et ses impacts potentiels. L’équipe a établi que deux principales formes de vanadium (V+4 et V+5) se trouvaient dans l’eau de fabrication des sables bitumineux, les sous-produits de coke et les sédiments. Elle a ensuite évalué la toxicité aquatique de ces formes sur des populations d’invertébrés benthiques (Hyalella azteca) placées dans de l’eau fortifiée au vanadium (V+4 et V+5). Les organismes ont montré une absorption de vanadium qui dépendait de la dose administrée. Des études plus poussées tenteront de déterminer la toxicité du vanadium pour ces organismes. Le fait de mieux comprendre la bioaccumulation et la toxicité des différentes formes de vanadium contribuera à la pertinence des évaluations des répercussions environnementales.
Produits
- Développement de modèles de prévision de la mortalité en fonction de la bioaccumulation du vanadium et de la concentration de cet élément dans l’eau. Ces modèles ont été développés en collaboration avec les utilisateurs à Environnement Canada. Ce ministère se sert des modèles pour évaluer les sites contaminés.
- Participation à plusieurs rencontres et atelier axés sur les principaux utilisateurs :
- Réunions annuelles de recherche du Réseau canadien de l’eau sur les sables bitumineux, à l’Université de Waterloo (2011 et 2012)
- Réunions annuelles du Réseau canadien de l’eau (2011 et 2012)
- 95e édition du Congrès et Exposition de la Société canadienne de chimie; symposium sur les métaux dans l’environnement. Calgary, mai 2012. Des utilisateurs d’Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada étaient présents.
- Assemblées annuelles de l’Alberta Water Research Institute (2009, 2010, 2011 et 2012)
- Réunions du comité consultatif technique. Ministères albertains de la Santé et du bien-être et de l’Environnement (2011 et 2012)
- Réunion du comité consultatif externe, Columbia University Superfund Project, New York (printemps 2011)
- Atelier sur l’eau, les substances toxiques et la santé humaine (Water, Toxic Substances, and Human Health Workshop), State Key Laboratory of Environmental Chemistry and Eco-toxicology, Chinese Academy of Sciences, Beijing (Mai 2011)
- Réunions publiques avec le comité d’examen technique environnemental de la Quinsam Coal Mine (mars 2012)
- L’équipe a publié ou produit plusieurs articles scientifiques et rapports pour les utilisateurs :
- McGuigan, C.F. et coll. « A review on arsenic concentrations in Canadian drinking water », Environmental Review, 18, p. 291-307 (2010).
- McKnight-Whitford, A. et coll. « New method and detection of high concentrations of monomethylarsonous acid detected in contaminated groundwater », Environmental Science and Technology, 44, p. 5875-5880 (2010).
- Naranmandura, H. et coll. « Comparative toxicity of arsenic metabolites in human bladder cancer EJ-1 cells », Chemical Research in Toxicology, 24, p. 1586-1596 (2011).
- Chen, B. et coll. « Mouse arsenic (+3 oxidation state) methyltransferase genotype affects metabolism and tissue dosimetry of arsenicals after arsenite administration in drinking water », Toxicological Science, 124, p. 320-326 (2011).
- Shen, S. et coll. « Arsenic binding to proteins », Chemical Reviews, 113, p. 7769-7792 (2013).
- Jensen-Fontaine, M. et coll. « Uptake and speciation of vanadium in the benthic invertebrate Hyalella Azteca», Environmental Science and Technology, 2013. DOI: 10/1021/
- Normandin, L. et coll. « Biomarkers of arsenic exposure and effects in a Canadian rural population exposed through groundwater consumption », Journal of Exposure Science and Environmental Epidemiology, DOI: 10.1038/jes.2013.80.
Résultats
- Plusieurs assemblées publiques ont eu lieu à Campbell River (C.-B.). Le comité environnemental de Campbell River, la ville de Campbell River et le représentant du district régional de Strathcona ont tous exprimé des inquiétudes quant aux projets d’expansion de la mine. Le comité environnemental de Campbell River et des groupes de citoyens ont envoyé des lettres de remerciement pour avoir soutenu le projet et les travaux ont été mentionnés plus de 10 fois dans les quotidiens (p. ex., le journaliste Paul Rudan, du Mirror de Campbell River, a couvert le projet).
- La mine a réagi au rapport de 2010 en modifiant ses plans d’expansion.
- Les travaux effectués sur l’efficacité des méthodes de traitement de l’arsenic ont intéressé nos partenaires. Le ministère de la Santé et du Bien-être de l’Alberta a demandé une copie du rapport et les résultats ont été communiqués au ministère de l’Environnement de l’Alberta et aux Services de santé de la province.
- Le travail de l’équipe sur le bassin versant Quinsam a permis de mieux comprendre l’impact potentiel de la mine Quinsam sur le système aquatique et les responsables de la mine ont réévalué leurs plans d’expansion à la lumière de ces résultats.