Pathogènes dans les aquifères du substratum rocheux – Étude détaillée de la présence et du transport de pathogènes dans les milieux urbains dotés de systèmes d’évacuation des déchets sur place et de puits profonds privés
Chercheur principal - Kent Novakowski, professeur agrégé, Université Queens (2007-2010)
Enjeu
La contamination de l’eau potable est un problème important pour les Canadiens qui dépendent de l’eau souterraine provenant des aquifères rocheux fracturés. Dans les petites collectivités, dont de nombreuses sont situées sur un substrat rocheux fracturé, il est d’usage courant d’avoir des systèmes septiques à proximité des puits d’approvisionnement en eau. Dans ces conditions, il existe un risque important de transport de virus des systèmes septiques vers les puits d’approvisionnement en eau. Malgré cela, on ne fait pas de détection de virus dans les approvisionnements d’eau souterraine.
Les fractures rendent possible la transmission de virus très rapidement dans la subsurface, mais on n’en sait très peu actuellement sur ce mécanisme de transport. De ce fait, les risques de transport viral ne peuvent être évalués adéquatement. Très peu d’établissements canadiens sont en mesure de détecter les virus dans l’eau souterraine et il est donc peu probable que cette détection devienne un test courant dans un proche avenir. Par conséquent, l’identification d’indicateurs de contamination virale, comme un bactériophage (un virus qui infecte une bactérie et s’y réplique), permettrait de mettre au point de nouveaux protocoles pour détecter une telle contamination.
L’objectif du projet était d’en arriver à bien comprendre les processus liés au transport des virus dans les aquifères rocheux fracturés et de mettre au point des outils pour prédire et cerner les risques de virus dans les aquifères. Ces outils permettraient l’élaboration de pratiques de gestion exemplaires pour les instances fédérales, provinciales et municipales et les autorités de conservation responsables de la protection des sources d’eau et de la santé publique.
Projet
L’équipe a entrepris des travaux en laboratoire et sur le terrain pour étudier le transport des virus dans des milieux de roche fracturée. La recherche sur le terrain incluait une étude sur la présence de virus dans trois sites au Canada et une étude de terrain détaillée sur le transport des bactéries dans un seul site en Ontario. Ces études ont révélé que les virus sont plus susceptibles de se retrouver dans les sites de substrat rocheux fracturé que dans les milieux poreux. L’analyse des distances parcourues a indiqué que les virus se déplacent habituellement d’au moins 40 mètres, ce qui est plus du double de la distance de neutralisation requise selon la réglementation actuelle des provinces canadiennes. Enfin, une analyse de la densité a révélé que la présence de virus peut être directement reliée à la densité des habitations : un nombre plus élevé d’habitations augmente considérablement la probabilité de présence virale.
Les études en laboratoire ont été entreprises pour déterminer les effets des caractéristiques et de la géochimie des fractures sur le transport des virus dans la roche fracturée. Les résultats ont montré que la taille des particules avait un effet important sur la rétention et le transport des particules et que la rétention était plus grande pour des particules de la taille de virus que pour des particules dont la taille est de l’ordre de microns. On a aussi constaté que cela dépendait grandement de la vélocité et de la force ionique de l’eau souterraine.
Produits
L’équipe de recherche a partagé ces renseignements avec des intervenants de l’industrie, des responsables d’organismes réglementaires et des chercheurs lors de présentations à des conférences. En avril 2009, dans le cadre d’un symposium sur l’eau tenu à Mayne Island en C.-B., plus de 100 personnes ont assisté à une présentation, dont des résidents, des consultants, des foreurs, des techniciens, des microbiologistes, des responsables de la réglementation gouvernementale et des opérateurs de réseaux de distribution d’eau. En juin 2009, en Ontario, les principaux chercheurs de l’équipe ont discuté des résultats des études sur le terrain avec le personnel technique du ministère de l’Environnement et les organismes de conservations de la province. Parmi les exposés présentés, mentionnons ceux-ci :
- Trimper, S., K. Novakowski, S. Springthorpe, S. Sattar, S. Vidovic et M. Aly. « A study of human enteric virus presence in fractured rock wells in rural Canada ». Présentation donnée lors de la 1re Conférence internationale Microbial Transport and Survival in Porous Media, 10-13 mai 2009, Niagara-on-the-Lake (Ontario).
- Praamsma, T.W., S. Trimper et K.S. Novakowski. « Surface to fracture transport of E. coli-sized microspheres and a conservative tracer in a fractured rock aquifer, Perth, Ontario ». Présentation donnée lors de la 1re Conférence internationale Microbial Transport and Survival in Porous Media, 10-13 mai 2009, Niagara-on-the-Lake (Ontario).
Publications
- Mondal, P. M., S.N. Liss et B.E. Sleep. « Transport of virus-sized microspheres in rough-walled rock fractures. »
- Mondal, P. M., S.N. Liss et B.E. Sleep. « Transport of bacteriophages in rough-walled rock fractures. »
- Mondal, P. M., S.N. Liss et B.E. Sleep. « Influence of biofilms on transport of microspheres and bacteriophages in rough-walled rock fractures. »
- Mondal, P. M. et B.E. Sleep. « Modelling pathogen transport in rough-walled rock fractures. »
- Trimper, S., K. Novakowski, S. Springthorpe, S. Sattar, S. Vidovic et M. Aly. « The occurrence of viruses in bedrock aquifers at three locations across Canada. » Publication soumise au Groundwater Journal.
- Trimper, S., K. Novakowski, S. Springthorpe, S. Sattar, S. Vidovic et M. Aly. « The vertical infiltration of bacteriophage in a shallow bedrock aquifer. » Publication soumise au Groundwater Journal.
Résultats
- À titre d’une des toutes premières études du genre, le projet a fourni de fortes preuves à l’appui de la croyance de longue date selon laquelle les aquifères rocheux sont vulnérables à la contamination par des pathogènes. Les résultats indiquent clairement que ces aquifères sont à risque et que les puits domestiques construits dans ces milieux ne sont pas protégés par la réglementation actuelle d’aucune province.
- Étant donné le nombre élevé d’échantillons positifs détectés dans les approvisionnements en eau, l’incidence potentielle sur la santé est énorme. La communication de ces résultats aux organismes gouvernementaux peut donner lieu à de nouvelles lignes directrices pour l’emplacement de systèmes septiques et de puits d’approvisionnement en eau dans les milieux de roche fracturée et au développement de méthodes pour identifier et rénover les systèmes existants qui sont menacés.
- Cette étude a été la première étude sur le terrain à utiliser les filtres pour virus NanoCeram®, conçus par la société Argonide Inc. Ces filtres sont actuellement examinés par l’Environmental Protection Agency des États-Unis. S’ils sont approuvés, ces filtres vont réduire de façon importante le coût de l’échantillonnage et de la filtration des virus, ce qui devrait permettre de répandre l’échantillonnage de virus à plus large échelle.