La rubrique « Pleins feux sur les leaders de l’eau » du Réseau canadien de l’eau rend hommage aux leaders municipaux du secteur de l’eau de tout le pays en partageant leur parcours professionnel et leur point de vue sur les tendances de l’industrie. Dans cet article, Nancy Goucher, gestionnaire du programme municipal de l’eau, s’entretient avec Iman Hashemi, président-directeur général de l’Agence ontarienne des eaux (AOE). La conversation examine son parcours dans le secteur de l’eau, son approche du leadership et ses réflexions sur les défis et les opportunités en constante évolution qui façonnent l’avenir de la gestion de l’eau en Ontario et au-delà.

Avant même d’apprendre l’alphabet, Iman Hashemi savait déjà lire la musique. À l’âge de quatre ans, il a commencé à jouer du violon, une expérience qui lui a appris très tôt la discipline et la concentration. « La musique a été mon premier apprentissage structuré, dit-il. Elle m’a montré la valeur de la pratique et de la précision. » Ces leçons ont façonné son approche du leadership des décennies plus tard, où l’expertise technique et les relations humaines sont tout aussi importantes.

Iman est aujourd’hui président-directeur général de l’Agence ontarienne des eaux (AOE), une organisation qui fournit des solutions en matière d’eau et d’eaux usées et qui exploite plus d’un millier d’installations dans toute la province. Sa philosophie en matière de leadership est claire : résoudre les défis techniques n’est qu’une partie du travail. Il est tout aussi essentiel de constituer des équipes solides en libérant le potentiel des personnes pour qu’elles s’améliorent et en encourageant la collaboration. « Le rôle d’un leader n’est pas d’être un gestionnaire de transactions, explique-t-il. Il consiste à gérer les problèmes et les zones d’ombre, et à réfléchir de manière stratégique à la prochaine étape pour fournir des solutions durables. »

Iman a grandi hors du Canada, dans une famille où la science, la musique et l’intérêt pour la société occupaient une place centrale. Sa mère, chimiste de formation et éducatrice, encourageait la curiosité et l’apprentissage. Lorsqu’il a déménagé au Canada à l’adolescence et qu’il a commencé la 9e année, ses priorités ont changé. Il a dû apprendre l’anglais et s’adapter à un nouvel environnement. La musique est passée au second plan, mais la discipline et l’esprit d’analyse qu’elle lui avait inculqués sont restés.

Une carrière fondée sur l’impact

La carrière d’Iman dans le secteur de l’eau s’étend sur près de 20 ans. Avant de rejoindre l’AOE en 2011, il a travaillé pour Zenon/GE Water en tant que spécialiste de la mise en service sur le terrain. À ce poste, il a passé plus de 300 jours par an à voyager à travers l’Amérique du Nord, dirigeant la mise en service de réseaux d’eau et d’eaux usées municipaux, industriels et des Premières Nations. « Je me sentais profondément responsable envers nos clients de m’assurer que, lorsque je quitterais le projet, les opérateurs sauraient comment bien gérer l’ e de l’usine », explique-t-il. La formation était une priorité, car il savait les défis auxquels ils seraient confrontés une fois qu’il serait parti.

Son travail comprenait des projets majeurs tels que l’usine de traitement d’eau potable Twin Oaks à San Diego, le plus grand projet de GE en 2008, la station d’épuration des eaux usées Brightwater dans le comté de King, à Seattle, et l’usine de cogénération Horizon de Canadian Natural Resources Limited près de Fort McMurray, en Alberta. Ces expériences ont renforcé la nature interdisciplinaire du secteur. « Pour construire des infrastructures, toutes les disciplines sont nécessaires », explique-t-il. « J’ai appris à travailler au-delà des frontières techniques, à m’engager avec des personnes de tous niveaux et à adapter mon approche au langage de chaque équipe. Parfois, cela signifiait marcher derrière mon équipe et mes clients pour les soutenir, marcher à leurs côtés pour travailler en partenariat et, lorsque cela était nécessaire, aller de l’avant pour anticiper les défis et les opportunités. »

Au sein de l’AOE, M. Iman a gravi les échelons en occupant divers postes, notamment celui de spécialiste en optimisation des processus et de l’énergie, de gestionnaire principal des opérations de l’usine de traitement des eaux Arthur P. Kennedy et de gestionnaire par intérim des réseaux d’eau. En 2020, il est devenu vice-président de l’innovation et des solutions d’infrastructure, où il s’est concentré sur l’optimisation des processus et de l’énergie, la gestion des actifs, la gestion environnementale et la planification en matière de changement climatique. Aujourd’hui, en tant que président-directeur général, il travaille avec le conseil d’administration et les dirigeants de l’agence. Ensemble, ils mènent des initiatives stratégiques visant à soutenir les mandats provinciaux et à garantir la santé et la durabilité des communautés de l’Ontario en servant de partenaire de confiance pour l’ .

Les valeurs de collaboration et de leadership

1. Iman souligne la nature collaborative du secteur de l’eau en Ontario et est fier de le représenter. « L’Ontario est un pôle d’excellence, dit-il. Nous travaillons avec certains des innovateurs, ingénieurs, entrepreneurs, exploitants et consultants les plus brillants pour fournir des infrastructures essentielles. » Il apprécie également la diversité des clients de l’AOE, qui vont des grands réseaux comme celui de la région de Peel aux petites communautés nordiques comme Moosonee. « L’évolutivité et la diversité rendent le travail intéressant », note-t-il. « Nous aidons plus de 200 municipalités à faciliter le développement immobilier grâce à nos services d’exploitation et de maintenance qui gèrent leurs réseaux d’eau et leurs réseaux d’eaux usées et les aident à identifier et à définir leurs projets d’investissement afin de garantir la sécurité sanitaire. »

Tendances dans un secteur en constante évolution

Au cours de sa carrière, M. Iman a vu le secteur de l’eau évoluer de manière spectaculaire. « L’innovation était autrefois considérée comme un centre de coûts », explique-t-il. « Aujourd’hui, c’est un moyen d’être plus efficace et proactif, et non réactif. » Ce changement s’inscrit dans une perspective plus large d’économie des ressources. « Nous ne les appelons plus des stations d’épuration des eaux usées de l’ , explique-t-il. Ce sont des stations de récupération de ressources de l’eau. Les déchets sont une matière première à exploiter et à valoriser. L’Ontario offre d’excellents exemples de récupération des ressources en action. »

La cybersécurité est un autre domaine qui a connu de profonds changements. « Les cybermenaces sont constantes », affirme M. Iman. « L’AOE a participé à l’élaboration d’approches et de plans d’intervention en matière de cybersécurité. Il s’agit d’un processus plus ou moins complexe selon la taille et l’échelle de la communauté. Mais partout au Canada, il y a beaucoup d’innovations à mettre en œuvre pour améliorer la situation. La défense et l’assurance sont essentielles. »

Le renforcement de la résilience grâce à la collaboration est également une priorité croissante. « Parfois, le problème ne réside pas dans les données historiques », note-t-il. « De nombreux systèmes ne disposent pas de beaucoup de données, mais il existe des connaissances traditionnelles. Il faut parler aux bonnes personnes, comme les opérateurs qui sont là depuis des années. C’est un point de départ. Il est important d’avoir un état d’esprit orienté vers la croissance. Le problème ne réside pas toujours dans le manque de données qui empêche de prendre des décisions. »

La gestion des actifs a connu sa propre transformation. « Il y a plusieurs décennies, nous examinions les infrastructures essentielles sans tenir compte de leur fonction et de leur rendement, explique M. Iman. Aujourd’hui, grâce à la réglementation et à notre expertise technique, nous offrons des services différents. Nous examinons les capacités fonctionnelles et les performances afin d’élaborer des plans et des stratégies de gestion des actifs. Nous ne nous contentons pas d’exploiter, nous aidons également nos clients dans la gestion de leurs actifs. Chez AOE, nous gérons l’un des plus grands systèmes de gestion des travaux de la province, où, au cours des dernières années, nous avons déployé ce système afin de collecter les données appropriées et de prendre des décisions éclairées pour prolonger la durée de vie des actifs de nos clients. »

Perspectives d’avenir

Iman estime que le secteur entre dans une période à la fois riche en opportunités et en incertitudes. « Nous avons la possibilité de repenser les modèles commerciaux afin de favoriser la collaboration et l’ouverture », explique-t-il. « Le défi consiste à le faire de manière responsable, avec une stratégie réfléchie et des priorités claires. »

La gestion environnementale est au cœur de sa vision. « La protection des Grands Lacs et des sources d’eau nécessite une approche One Water », explique-t-il. « L’eau potable et les eaux usées sont liées par les sources d’eau. Il est essentiel de reconnaître cette circularité. »

Selon lui, le leadership consiste à accepter le changement et à montrer ce qui est possible. « Les organisations ne changent pas si leurs dirigeants ne comprennent pas l’art du possible », dit-il. « De petites actions peuvent créer un environnement propice à l’innovation. Le gestionnaire des relations et le développeur des personnes sont les fondements du leadership. »

La technologie, y compris l’intelligence artificielle, aura un rôle à jouer. Mais M. Iman souligne que les outils seuls ne suffisent pas. « L’innovation concerne les personnes et les relations », dit-il. « Nous avons besoin d’une adoption délibérée et de meilleures stratégies. »

Conclusion

Depuis ses débuts dans l’apprentissage de la musique jusqu’à son rôle actuel à la tête de l’une des agences les plus importantes de l’Ontario, la carrière d’Iman reflète une attention constante portée à la discipline, à la collaboration et au progrès. « En fin de compte, dit Iman, il s’agit d’apporter des solutions qui comptent pour les communautés que nous servons et de le faire ensemble. »