Réflexions : Le Canada est-il sur le point de prendre au sérieux son déficit en matière d’infrastructures publiques ?
Décembre 11, 2025
Bulletin trimestriel du Réseau canadien de l’eau (RCE) contenant les dernières nouvelles, des perspectives, et des réflexions de leaders d’opinion.

Réflexions est une série d’articles mensuels rédigés par Nicola Crawhall, directrice générale de RCE. Cette série s’adresse aux décideurs qui doivent relever les défis complexes liés à l’eau. Elle aide les dirigeants à anticiper les changements et à prendre des décisions éclairées qui façonneront l’avenir de l’eau au Canada.
La première Évaluation nationale des infrastructures (ENI) du Canada a été publiée à la fin du mois de novembre. Ses principales conclusions sembleront familières à tous ceux qui travaillent dans le domaine de l’eau, des eaux usées ou des eaux pluviales au niveau local :
- Nous sous-investissons dans nos infrastructures existantes.
- Les trois niveaux de gouvernement ne coordonnent pas efficacement leurs dépenses.
- Les impacts climatiques changent la donne, et nous ne sommes pas prêts.
Alors pourquoi cette première EIN est-elle si importante pour le Canada ?
Transparence. Responsabilité. Prise de décision éclairée.
Telles sont les raisons invoquées par Peter Weltman, qui est bien placé pour le savoir. Il est vice-président du Conseil canadien des infrastructures (CCI), qui a supervisé l’élaboration de l’AIN. Ancien agent de responsabilité financière de l’Ontario, Peter a consacré une grande partie de sa carrière à analyser des données afin de déterminer comment les fonds publics ont été dépensés. Consultez mon entretien avec Peter, leader d’opinion, dans l’édition hiver 2025 d’Info Source.
La disponibilité équitable et durable de l’eau, ainsi que l’état des infrastructures qui soutiennent ce service vital, détermineront si nos communautés prospèrent, si notre économie croît et si les Canadiens restent en bonne santé. Pourtant, jusqu’à présent, nous ne disposions pas d’une image nationale claire de son état et de sa capacité à soutenir la croissance prévue.
L’AIN est importante car elle fournit des preuves et des informations sur des problèmes de longue date que nous connaissions mais que nous n’avions aucun moyen systématique de suivre. Comment tous les niveaux de gouvernement utiliseront-ils ces informations pour prendre des décisions plus éclairées en matière d’investissements dans les infrastructures ? J’ai sélectionné quatre informations clés et quelques considérations à l’intention des décideurs.
1. Les infrastructures hydrauliques sont sous-performantes
La plupart des Canadiens bénéficient d’une eau potable sûre et propre et d’un assainissement adéquat, mais les infrastructures sous-jacentes sont sous-performantes. Nos réseaux d’eau présentent de nombreuses fuites. L’EIN estime à 17 % les pertes d’eau, ce qui équivaut à la consommation totale d’eau potable en Colombie-Britannique (806 millions de litres). Cette situation s’aggrave, ce qui suggère une détérioration de l’état des actifs.
Considérations pour la prise de décision : L’eau non facturée représente une perte de revenus et un gaspillage de ressources (énergie, produits chimiques, main-d’œuvre, etc.), ce qui rend l’ensemble des réseaux d’eau moins viable financièrement. Les gouvernements supérieurs devraient donner la priorité à l’aide aux municipalités pour réduire l’eau non facturée.
On estime que 30 % de l’énergie utilisée pour pomper l’eau pourrait être économisée si les fuites étaient réparées, ce qui permettrait d’économiser plus de 700 millions de dollars par an et de réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre.
2. Les communautés autochtones sont confrontées à des écarts persistants
La qualité des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement destinés aux communautés autochtones reste bien inférieure à celle dont bénéficient les autres Canadiens. À la fin du mois d’août 2025, 39 avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable étaient en vigueur dans les communautés des Premières Nations.
Éléments à prendre en compte dans la prise de décision : Bien qu’il soit important d’augmenter les fonds, les nouveaux systèmes de gouvernance qui placent les Autochtones aux commandes font leurs preuves. Découvrez ce que l’Atlantic First Nations Water Authority accomplit grâce à un modèle de service public d’eau dirigé par les Autochtones.
3. Le changement climatique submerge les infrastructures
Les inondations catastrophiques, les incendies de forêt, les chaleurs extrêmes et les sécheresses induits par le changement climatique s’aggravent d’un océan à l’autre, submergeant nos infrastructures, causant des dommages matériels, mettant notre santé en danger et entraînant d’importantes perturbations des services.
Considérations pour la prise de décision : nous ne pouvons pas inverser le changement climatique, mais nous pouvons être mieux informés sur les prévisions climatiques pour les 25 à 50 prochaines années. Il faut exiger que les constructions soient adaptées à ces conditions, et non à celles d’aujourd’hui (ou pire, d’hier).
4. Construire des logements là où les infrastructures existent
Nous devons construire des logements là où les infrastructures existantes peuvent être exploitées (c’est moi qui souligne). « Une densité de population plus élevée peut réduire le coût des services d’infrastructure par ménage grâce aux économies d’échelle. Il peut coûter plus de trois fois plus cher de fournir des services de mobilité communautaire et d’infrastructure d’approvisionnement en eau et d’assainissement aux zones suburbaines à faible densité qu’aux quartiers urbains à forte densité. »
Considérations pour la prise de décision : les services des travaux publics et de l’aménagement du territoire collaborent déjà pour déterminer où les infrastructures existantes peuvent être utilisées de manière optimale pour la croissance, et certaines municipalités offrent des incitations importantes aux promoteurs pour qu’ils construisent dans ces zones. Davantage d’incitations et de pouvoirs ciblés accordés par les gouvernements supérieurs aux municipalités à un ou deux niveaux contribueraient à améliorer l’efficacité de l’utilisation des infrastructures existantes pour soutenir la croissance.
Quelle est la prochaine étape ?
Des informations et des recommandations fondées sur des données probantes devraient guider la prise de décision éclairée. Mais c’est la partie la plus facile. La question la plus difficile est la suivante : quelle est la voie à suivre pour progresser ?
Au minimum, nous avons besoin :
- Une stratégie financière nationale pour les infrastructures hydrauliques.
- Une stratégie nationale en matière de main-d’œuvre qualifiée dans le domaine des infrastructures.
- Une stratégie nationale en matière d’approvisionnement et d’alimentation de la chaîne logistique pour les infrastructures afin d’aider à naviguer dans les turbulences commerciales actuelles.
Transparence, responsabilité, prise de décision éclairée. Telles sont les raisons pour lesquelles nous devons prêter attention à l’évolution de la NIA. C’est pourquoi nous devons la promouvoir activement et l’utiliser comme outil décisionnel pour le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux. Tirons parti de ce bon départ et travaillons ensemble à la mise en place d’une voie à suivre pour construire les logements dont nous avons besoin, soutenus par des infrastructures et des services hydrauliques durables et équitables pour tous.












